Transition écologique et énergétique en France et en Allemagne – regard croisé

Face au dérèglement climatique, à l’épuisement des ressources naturelles ou encore aux menaces qui pèsent sur la biodiversité, la transition écologique est devenue un sujet omniprésent et même alarmiste du débat public. La transition écologique représente la période d’évolution vers de nouveaux modèles économiques et sociaux pour une société plus durable, moins consommatrice et plus responsable.

La transition écologique s’organise à différentes échelles :

-       nationale, au travers par exemple de ministères et groupes de recherche dédiés ;

-       européenne, au travers notamment du pacte vert pour l’Europe, et

-       internationale, au travers par exemple des accords de Paris.

Bien qu’une prise de conscience généralisée d’une responsabilité collective semble avoir lieu ces dernières années en Europe, celle-ci ne peut être suffisante si les grandes entreprises de nos pays n’agissent pas aux côtés de nos gouvernements pour proposer des solutions durables qui engagent nos sociétés à plus d’efforts.

La transition écologique inclut divers chantiers tels que la transition agro-alimentaire, la transition industrielle, le plus grand d’entre eux étant la transition énergétique. Nous développerons ce dernier point, considéré comme l’un des plus grands défis du XXIe siècle.

Deux pays, la France et l’Allemagne ont une vision bien différente de ce à quoi doit ressembler la transition énergétique. Mais quel regard porte la France sur la méthode allemande pour effectuer sa transition énergétique et que pensent les Allemands de la politique énergétique française ?

Le point de vue français quant à la stratégie allemande en matière de transition énergétique: l’échec de l’« Energiewende » proposée par l’Allemagne

Le modèle énergétique allemand « charbon-éolien » est souvent considéré comme un mauvais exemple en France. Il est d’abord l’un des modèles les plus polluants en Europe puisque que le charbon produit plus de 1 000 g de Co2/kwh ainsi que des particules fines contenant du mercure et de l’uranium. Le modèle allemand a également beaucoup investi dans les énergies renouvelables, la part de l’éolien étant passée de 11 % à 50 % en 15 ans, de 2005 à 2020. Cependant, les énergies éolienne et hydraulique posent deux défis. Le premier, le plus évident, il s’agit d’énergies variables. L’Allemagne a d’ailleurs souffert à la fin du premier semestre 2021 d’une importante baisse de la productivité de l’éolien, tributaire de la météo. Durant cette période, elle a dû rouvrir des centrales à gaz et à charbon, ceci afin de faire face à la demande en énergies dans un contexte de retour de la croissance économique et industrielle consécutif à la première grande vague du Covid-19 en 2020. Le deuxième défi est géographique. Les éoliennes en Allemagne sont situées principalement dans le nord du pays alors que les industries se trouvent essentiellement dans le sud, ce qui pose la question du transport de l’énergie et du coût que cela engendre. Les énergies variables ne suffisant pas à répondre aux besoins du pays, l’Allemagne doit - comme tout autre pays - pouvoir s’approvisionner en énergies pilotables. Or, à la suite de la catastrophe de Fukushima, l’Allemagne a annoncé renoncer au nucléaire d’ici fin 2022, ce qui laisse peu d’alternatives en matière d’énergies pilotables : le charbon et le gaz. Deux options très décriées en France en raison de la pollution qu’elles engendrent mais aussi de la forte dépendance vis-à-vis de l’étranger comme l’a démontré la guerre en Ukraine. Le modèle énergétique allemand semble d’autant moins pérenne que l’Allemagne a également annoncé vouloir sortir du charbon d’ici 2038, ce qui rendrait le pays encore plus dépendant du reste du monde en matière de ressources énergétiques.

Le point de vue allemand sur la stratégie énergétique française: manque de clarté quant au nucléaire

Le manque de clarté de la stratégie française concernant sa transition énergétique est souvent mis en avant en Allemagne. La France a effectivement un discours politique soutenant l’indépendance énergétique grâce à son parc nucléaire, d’autant plus depuis le début de la guerre en Ukraine. Or, face un parc nucléaire vieillissant, la France n’a cessé d’annoncer vouloir fermer ses centrales, notamment celle de Fessenheim définitivement arrêtée depuis 2020. En intégrant l’énergie nucléaire dans la taxonomie verte européenne, elle peut désormais justifier les investissements nécessaires dans la modernisation des centrales historiques.

Une chose est sûre : la transition écologique et énergétique doit être pensée et élaborée à l’échelle européenne pour mieux appréhender les enjeux climatiques et économiques actuels et de demain. L’objectif est d’atteindre une souveraineté énergétique européenne, sujet d’autant plus urgent dans le contexte géopolitique perturbé par la guerre en Ukraine. Enfin, la transition écologique et énergétique ne doit pas se faire uniquement dans un cadre politique, celle-ci n’étant pas possible sans l’action de nos entreprises.

Sources : Enquête du journal Le Monde, Enquête du Tagesschau, « Nucléaire - les vérités cachées » de Fabien Bouglé, Süddeutsche Zeitung

Auteurs: Timo Husemann et Mathilde Beguinet

Cet article fait partie de notre newsletter French Desk 2/2022. Vous trouver le numéro complet ici. Vous pouvez également vous abonner à cette newsletter ici.