Un sujet fiscal : Nouvelles stipulations relatives à la Convention franco-allemande

Depuis le 1er janvier 2016 de nouvelles stipulations relatives à la Convention franco-allemande sont entrées en vigueur. Les principaux changements fiscaux sont présentés dans cet article.

Depuis le 1er janvier 2016 de nouvelles stipulations relatives à la Convention franco-allemande1 sont entrées en vigueur. Cela concerne surtout des situations transfrontalières où un contribuable est fiscalement résident dans un des pays contractants, par exemple en Allemagne, et il dispose de revenus financiers en provenance de l’autre pays contractant, dans notre exemple en France. Comme rapporté dans notre édition no.9 d’avril 2015, un avenant à la Convention a été signé entre les représentants des deux pays2. Les législateurs en France et en Allemagne ont ratifié l’avenant à la Convention en décembre 2015 pour que les nouvelles stipulations puissent entrer en vigueur en 2016.

Les nouvelles stipulations contiennent en particulier des changements dans le traitement fiscal relatifs aux dividendes payés par des fonds immobiliers et à la cession des parts des fonds immobiliers par des investisseurs résidents dans l’autre pays.

La limitation de la retenue à la source de 15% sur les dividendes versés à un investisseur résident dans l’autre pays contractant ne s´applique plus pour certains investissements en fonds immobiliers.

Principe d’imposition dans l’État de résidence de l’investisseur sauf droit de retenue à la source dans le pays de source

Des dividendes versés par une société à un investisseur résidant dans l’autre pays (par exemple une société anonyme – SA – française distribue des dividendes à un investisseur allemand) sont imposables dans le pays où réside l’investisseur, dans ce cas-là en Allemagne. Chacun des Etats contractants conserve le droit de percevoir l'impôt sur les dividendes par voie de retenue à la source, conformément à sa législation. Toutefois, ce prélèvement ne peut excéder 15% du montant brut des dividendes.

Retenue à la source de 30% en France

La France impose les dividendes d’une source française payés à un investisseur non-résident à un taux de 30% selon la législation nationale. Régulièrement, la limitation à 15% pour un versement d’une SA s’appliquait ; également applicable aux véhicules d’investissement comme par exemple les fonds d’investissement français en immobilier dans la forme d’une société aux capitaux (par exemple une SA) comme la SPPICAV (société de placement à prépondérance immobilière à capital variable)3 et la SIIC (société d’investissement immobilier cotée)4.

Retenue à la source de 26,375% en Allemagne

L’Allemagne prévoit une retenue à la source de 25% plus surcharge solidaire de 5,5% et éventuellement l’impôt ecclésiastique (8/9% selon l’État fédéral Bundesland). Le taux effectif de 26,375% (sans impôt ecclésiastique) s’applique pour les versements des dividendes des G-REIT (German Real Estate Investment Trust)5 aux investisseurs mais jusqu’à présent la limitation de la Convention à 15% pour les investisseurs français était valable. Il n’existe pas de fonds immobiliers similaires aux SPPICAV (la forme des véhicules d’investissement d’une société aux capitaux comme une Investmentaktiengesellschaft n’est pas utilisée).

Nouvelles stipulations : plus de limitation de la retenue à la source pour des investissements de 10% et plus dans des fonds immobiliers

L’article relatif aux dividendes de la Convention a été complété en stipulant que les dispositions de la limitation de la retenue à la source pour les dividendes ne s’appliquent pas aux dividendes versés à partir de revenus ou de gains tirés de biens immobiliers par un véhicule d’investissement qui (i) distribue la plus grande partie de ces revenus annuellement et (ii) dont les revenus ou les gains tirés de ces biens immobiliers sont exonérés d’impôts, ce qui est le cas pour les G-REIT en ce qui concerne le côté allemand et les SPPICAV et les SIIC en ce qui concerne le côté français.

Cependant, les investisseurs résidant dans l’autre pays contractant qui détiennent moins de 10% du capital dans le véhicule d’investissement peuvent encore profiter de la limitation de la retenue à la source à 15%. La participation directe dans un G-REIT est limité à 10%.

Néanmoins, si le bénéficiaire effectif de ces dividendes détient, directement ou indirectement, 10% ou plus du capital du véhicule qui paie les dividendes, les dividendes sont imposables au taux prévu par la législation nationale de l’Etat contractant d’où ils proviennent (30% pour la France).

Cette nouvelle stipulation a surtout un impact sur les paiements de dividendes des SPPICAV et SIIC aux investisseurs allemands. Dans ce contexte, il peut être intéressant de prévoir d’autres alternatives de structuration pour baisser le taux effectif d’imposition et pour résoudre le problème de liquidité causé par la retenue à la source de presque un tiers des dividendes bruts.

Cession des parts des sociétés à prépondérance immobilière imposable dans le pays où les biens immobiliers sont situés

L’avenant a également ajouté des dispositions sur le droit d’imposition lors de la cession des parts des sociétés à prépondérance immobilière se conformant ainsi aux standards de l’OCDE (art. 13 alinéa 4 OCDE convention modèle). Une société à prépondérance immobilière tire directement ou indirectement plus de 50% de sa valeur de biens immobiliers, ce qui est aussi le cas pour une SPPICAV ou une SIIC ou un G-REIT.

Jusqu’à présent : pas de règlement sur le droit d’imposition pour la cession des parts d’une société à prépondérance immobilière en forme de société aux capitaux

La cession des parts d’une société à prépondérance immobilière dans la forme d’une société aux capitaux (France : SA, SAS, Sarl ; Allemagne : AG, UG, GmbH) n’était pas encore explicitement réglée dans la Convention. La cession des parts d’une société immobilière en forme d’une société aux personnes, elle, est traitée comme la cession du bien immobilier et le droit d’imposition appartient toujours à l’État où les biens immobiliers sont situés.

Nouvelle stipulation : la cession des parts d’une société à prépondérance immobilière est imposable dans le pays où les biens immobiliers sont situés

Les gains qu’un résident en Allemagne tire de l’aliénation d’actions, de parts ou droits d’une société à prépondérance immobilière dont plus de 50% de la valeur consiste de biens immobiliers situés en France sont dès lors imposables en France. Le même principe s’applique si un investisseur résidant en France détient des parts d’une société à prépondérance allemande qui est investie dans de l’immobilier situé en Allemagne.

Pour l'application de cette disposition, ne sont pas pris en considération les biens immobiliers directement affectés par une entité avec sa propre activité d’entreprise (telle qu’une mine ou un hôtel).

Les plus-values d’une vente des parts d’une SPPICAV (ou SIIC) sont imposables en France depuis le 1er janvier 2016

L’investisseur allemand qui vend ses parts par exemple dans une SPPICAV française était jusqu’à présent imposable sur la plus-value de la cession en Allemagne comme son pays de résidence. Si l’investisseur allemand était une société assujettie à l’IS en Allemagne, des exonérations selon la législation nationale (participation exemption selon § 8b Code allemand sur l’IS) étaient applicables. En effet, l’investisseur ne payait presque pas d’impôt sur les revenus des plus-values françaises tirées d’une cession des parts d’une société aux capitaux à prépondérance immobilière.

Suite à l’avenant, les plus-values de cession des parts d’une SPPICAV sont maintenant assujetties à l’impôt dans le pays de situation de l’immeuble, c’est-à-dire en France si la SPPICAV investit majoritairement dans de l’immobilier français. Si l’immeuble est localisé dans un pays tiers, les règles  d’imposition de l’état de résidence de l’investisseur seront applicables (comme décrit auparavant pour l’Allemagne comme pays de résidence).

Pour toutes questions autour de ce sujet, n’hésitez pas à contacter Sabine Leuschner, avocate (Rechtsanwältin) et conseillère fiscale (Steuerberaterin) chez Mazars Allemagne (sabine.leuschner@mazars.de).

---------------------------------------

1 Convention du 21 juillet 1959 entre la République fédérale d’Allemagne et la République française en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproques en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières (la « Convention »)

2 Avenant en date du 31 mars 2015 à la Convention du 21 juillet 1959 entre la République fédérale d’Allemagne et la République française en vue d’éviter les doubles impositions

3 L’exonération de l’impôt sur les sociétés (IS) dont bénéficient les SPPICAV en France est conditionnée par le respect des obligations de distribution annuelles de minimum 85% des revenus fonciers, 50% des plus-values nettes de la cession d’actif immobilier et de 100% de dividendes reçus par la SPPICAV en provenance de certaines filiales.

4 Les SIIC doivent respecter les obligations de distribution suivantes pour profiter de l’exonération de l’impôt sur les sociétés : les bénéfices provenant des opérations de location d’immeubles doivent être distribués à hauteur de 95 % avant la fin de l’exercice qui suit celui de leur réalisation ; les plus-values de cession d’immeubles ou de certaines participations dans des sociétés ou de titres de filiales doivent être distribuées à hauteur de 60 % avant la fin du deuxième exercice qui suit celui de leur réalisation.

5 L’exonération de l’impôt sur les sociétés (IS) en Allemagne dont bénéficient les G-REIT en Allemagne est en principe conditionnée par le respect des obligations de distribution annuelles de minimum 90% du résultat net.