Un sujet actuel : les réactions de l’Allemagne face au projet de relance de l’Europe du Président de la République Française

Emmanuel Macron a présenté, dans un discours à la Sorbonne, deux jours après les élections parlementaires en Allemagne (le 26 Septembre 2017), son plan pour « une nouvelle page » sur l'Europe. Comment ont été accueillies ses idées en Allemagne ?

Les idées de relance de l’Europe d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron a des ambitions concrètes pour renforcer les relations avec l'Allemagne. Il souhaite notamment renforcer et renouveler la coopération entre les deux pays, en signant un nouveau traité de l'Élysée. Concrètement, « pourquoi ne pas se donner d’ici à 2024 l’objectif d’intégrer totalement nos marchés en appliquant les mêmes règles à nos entreprises, du droit des affaires au droit des faillites ? ».

De plus, Emmanuel Macron aspire à un pas de plus vers l'Europe de la défense, plus spécifiquement, il exprime qu’ « au début de la prochaine décennie, l'Europe devra être dotée d'une force commune d'intervention, d'un budget de défense commun, et d'une doctrine de défense commune pour agir ». On assiste à la renaissance d’une idée née dans les années cinquante, à l’époque rejetée par l’Assemblée Nationale.

Afin d’établir un budget pour une zone euro renforcée « un budget plus fort au coeur de l'Europe, au coeur de la zone euro », Macron envisage également la nomination d’un ministre des Finances contrôlé par le Parlement européen.

Au niveau du financement, il clarifie que « les taxes européennes dans le domaine numérique ou environnemental pourront ainsi constituer une vraie ressource européenne ». L’harmonisation de l’impôt sur les sociétés est également envisagée.

Quant à la gestion de la crise des migrants, le but de Macron est de « créer un véritable office européen de l'asile» et une «police des frontières européennes». Il souhaiterait une institution « qui accélère et harmonise nos procédures, que l’on ait enfin des fichiers connectés et des documents d’identité biométriques sécurisés ».

Les positions des partis et décideurs politiques en Allemagne

Le discours d’Emmanuel Macron a été globalement bien reçu par les décideurs politiques allemands. Dans la mesure où les partis politiques sont occupés par la constitution d’une coalition gouvernementale depuis plus de 4 mois, les prises de position ont été toutefois limitées.

Dans ce contexte, il convient de retenir que :

  • le parti social-démocrate (SPD) est très favorable à toutes les idées évoquées par le président français : une Union Européenne plus intégrée est le but affiché du parti. Le chef du SPD et ancien Président du Parlement Européen, Martin Schulz, va encore plus loin sur ce sujet en réclamant des « Etats Unis d’Europe » d’ici à 2025.
  • le chef du Parti les Verts, Cem Özdemir, a affiché son soutien aux idées d’Emmanuel Macron, précisant qu’il faut saisir l’opportunité de donner une nouvelle «poussée au projet européen».
  • la Chancelière allemande, Angela Merkel (CDU) a considéré le discours comme un « bon élan » pour construire une base de travail entre la France et l’Allemagne. Reste toutefois à définir les modalités de mise en oeuvre. Angela Merkel a notamment exprimé son soutien sur certains axes développés par Emmanuel Macron, tels que l'harmonisation de l’impôt sur les sociétés, le droit d’asile européen et la politique de défense commune. Une partie de la CDU mais aussi le CSU sont toutefois plus réticents par rapport aux propositions faites pour la zone euro.
  • de manière générale, les idées d’Emmanuel Macron ont reçu un soutien appuyé de la part du parti libéral, le FDP. Néanmoins, le chef de celui-ci, Christian Lindner, s’est prononcé contre l’idée d’un budget pour une zone euro renforcée car cela va, selon lui, mener à une « union de péréquation financière » et une « union de responsabilité » qui veut dire que le budget de la zone atterrirait dans un pays pour les dépenses publiques ou dans un autre pays pour réparer les erreurs.

Les positions des représentants des institutions de recherche économiques

Le Président de L’Ifo (Institut für Wirtschaftsforschung) de Munich, Clemens Fuest, voit dans le discours de la Sorbonne des « zones d'ombre et de lumière ». Selon lui, les ambitions en matière de politique étrangère et de sécurité commune sont bonnes afin d‘atteindre une Union Européenne plus intégrée. Cependant, il rejette l’idée selon laquelle la nomination d’un ministre des finances européen et la mise en place d’un budget commun de la zone euro vont parvenir à résoudre les problèmes auxquels fait face la zone Euro. De manière générale, il voit les idées d’Emmanuel Macron comme une invitation à un « brainstorming » sur l’avenir de l’Europe, qu’il ne faut pas rejeter.

Jürgen Matthes, directeur de l’IW (Institut der deutschen Wirtschaft) de Cologne, constate que les initiatives de Macron « vont au-delà du but visé (…) » car elles sont « irréaliste[s] » et « trop ambitieu[ses] ». Il juge l’introduction d’un budget européen commun de la zone euro comme une communautarisation permanente des impôts nationaux qui mènera à des incitations inopportunes au niveau des États membres. Selon lui, l’objectif principal d’une nouvelle politique européenne et franco-allemande doit être de déterminer le sens du compromis de tous les côtés et de se concentrer sur les étapes de l’intégration dans les questions essentielles.

Marcel Fratzscher, directeur du DIW (Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung) de Berlin, exprime ses doutes vis-à-vis des réformes profondes au niveau européen dans les prochaines années. En se référant au discours d’Emmanuel Macron, il fait remarquer que, contrairement au Président de la République française qui « n’a pas de ligne rouge » et « que des horizons », le débat en Allemagne sur l’Europe « connait que des lignes rouges et pas d’horizons». En ce qui concerne l’idée de Macron, il constate que les réformes vont seulement réussir si la France et l’Allemagne unissent véritablement leurs forces.

Conclusion

Indépendamment des positions des uns et des autres par rapport aux idées d’Emmanuel Macron, force est de constater que le discours semble avoir relancé le débat autour de l’Europe en Allemagne, et plus spécifiquement de l’avenir des relations franco-allemandes. Le nouveau gouvernement allemand, indépendamment de sa composition, ne pourra pas s’en affranchir.

Sources

  • http://www.elysee.fr/declarations/article/initiative-pour-l-europe-discoursd-emmanuel-macron-pour-une-europe-souveraine-unie-democratique/
  • http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2017/09/26/25001-20170926ARTFIG00105- ce-que-macron-va-proposer-pour-l-europe-dans-son-discours-a-la-sorbonne.php
  • https://www.focus.de/finanzen/experten/iwkoeln/analyse-des-iw-koeln-macronwill- zu-viel-kritik-an-frankreichs-reformplaenen-fuer-eurozone_id_7647097.html
  • http://www.cesifo-group.de/de/ifoHome/presse/Pressemitteilungen/ Pressemitteilungen-Archiv/2017/Q3/press_20170927_Macron.html
  • https://www.iwkoeln.de/presse/iw-nachrichten/beitrag/markus-mill-juergenmatthes- eurozone-macron-will-zuviel-363414.html
  • https://www.welt.de/wirtschaft/article171998868/DIW-Chef-Marcel-Fratzscher- Besser-wird-es-nicht-mehr.html
  • http://www.spiegel.de/politik/ausland/emmanuel-macron-bundestagswahlgefaehrdet- seine-plaene-fuer-eu-reformen-a-1169717.htm
  • https://www.euractiv.com/section/economy-jobs/news/merkel-in-paris-onfriday- to-discuss-europes-future-with-macron/

Auteur

Joel Einemann 
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