Un sujet macroéconomique : ce qui attend l’Allemagne en 2017

L’année 2017 sera marquée en Allemagne par les élections mais d’autres dates importantes sont également à retenir.

Afin de savoir ce qui attend l’Allemagne en 2017, nous proposons de nous arrêter sur les dates qui devraient marquer l’année pour les Allemands.

Le 1er janvier 2017, le salaire horaire minimum augmente de 34 cents pour s’élever à 8,84 euros. Il s’agit de la première augmentation depuis l’instauration du salaire minimum en Allemagne au 1er janvier 2015. En effet, la loi prévoit qu’une commission indépendante révise le montant du salaire tous les deux ans. De même, les exceptions prévues par la loi concernant le champ d’application du salaire minimum ne sont plus applicables à compter du 1er janvier 2017. Cette loi constitue une des mesures fortes de l’actuelle coalition gouvernementale SPD/CDU/CSU. Ses partisans auraient souhaité un salaire minimum plus élevé tandis que ses détracteurs y voient une source d’affaiblissement de la compétitivité économique allemande. En raison de la bonne conjoncture économique allemande de ces deux dernières années, la loi ne semble pas avoir eu d’effets négatifs significatifs sur l’économie et l’emploi allemands.

Après plus de sept ans d’attente, la « Elbphilharmonie » de Hambourg (salle de concerts symphoniques, dénommée aussi « Elphi ») sera inaugurée officiellement le 11 janvier 2017. Le bâtiment domine de ses 110 mètres de haut le paysage urbain de la ville portuaire avec notamment sa structure de verre en forme de trapèze imaginée par les architectes Herzog & de Meuron. Si la première pierre a été posée en avril 2007, les travaux qui devaient être achevés en 2010 ont pris énormément de retard et ont conduit à multiplier par dix le coût de la construction (789 millions d’euros contre 77 millions prévus initialement). Alors que de nombreuses analyses soulignent le déficit important d’investissements dans les infrastructures en Allemagne, les dernières années ont mis en évidence les difficultés que rencontre l’Allemagne pour mener à bien ses grands projets de construction, dans un contexte de renforcement des contraintes réglementaires et de budgets publics sous pression. L’ « Elphi » en est un exemple, tandis que les Berlinois attendent avec impatience la nouvelle date d’ouverture du nouvel aéroport de Berlin, cette date n’ayant cessé d’être repoussée depuis 2012.

L’élection du 12ème Président de la République Fédérale d’Allemagne se tiendra le 12 février 2017 au Reichstag. Contrairement à la République de Weimar, le Président n’est pas élu au suffrage direct mais par une Assemblée fédérale qui ne se réunit qu’à cette occasion. Avec les compétences importantes accordées aux Régions, il s’agit d’une des nombreuses dispositions inscrites dans la loi fondamentale allemande de 1949, destinées à tenir compte des leçons du passé. L’Assemblée fédérale est constituée des 630 membres du « Bundestag » et de 630 représentants des Parlements des Régions (« Landtage ») qui se réuniront pour élire le nouveau Président qui succèdera à Joachim Gauck pour cinq ans, ce dernier ayant renoncé à se présenter pour un second mandat. Si ses pouvoirs sont plutôt symboliques, le Président allemand peut à travers ses discours et ses axes d’intervention jouer un rôle d’instance morale dans la société. Il va être intéressant d’observer le profil que donnera le futur Président à sa fonction. En effet, le candidat présenté par la coalition gouvernementale, et qui devrait être élu à une forte majorité, n’est autre que l’actuel ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier. Or à 60 ans, il a encore de belles années devant lui…

A compter du 26 mars 2017, la compagnie aérienne allemande Air Berlin n’offrira plus de vol à destination de Majorque. Cette date est symbolique à plusieurs titres. La compagnie Air Berlin a été créée en 1978 par un ancien pilote de la Panam à une époque où les puissances occupantes de Berlin-Ouest avaient la mainmise sur l’espace aérien de cette partie de la ville divisée. Le premier vol de la compagnie fut un vol… Berlin-Majorque le 28 avril 1979. A cette époque, Majorque était devenue une destination privilégiée des touristes allemands. Air Berlin a contribué indéniablement à développer cette relation particulière qui a conduit à donner à l’île espagnole le surnom de « 17 ème Land » allemand au cours des années 1990. Après la période des excès au cours de laquelle de nombreux Allemands s’y rendaient essentiellement pour faire la fête, depuis plusieurs années le besoin de détente et la découverte de l’île reprennent le dessus. Enfin, la décision prise par Air Berlin de ne plus proposer de vols à destination de Majorque illustre également les changements du paysage aérien : avec l’apparition des compagnies low-cost et l’explosion du nombre de passagers dans les aéroports, la plupart des acteurs traditionnels connaissent des difficultés pour se positionner par rapport à la concurrence. En Allemagne, Air Berlin, en particulier depuis son introduction en Bourse en 2006 est la plus touchée — son rapprochement avec Etihad Airways, qui est devenu son principal actionnaire, lui a permis certes de disposer des financements nécessaires pour assurer sa survie mais il lui reste plus que jamais à prendre les décisions structurelles adéquates pour faire face aux défis de la branche aéronautique.

Le 29 mai 2017 marquera le 100ème anniversaire de la naissance de John F. Kennedy, 35ème Président des Etats-Unis. Durant son court mandat (il devint Président le 20 janvier 1961 et fut assassiné le 22 novembre 1963), il a été le premier Président américain à se rendre après la Seconde Guerre mondiale dans la partie occidentale de Berlin-Ouest le 26 juin 1963 à l’occasion du 15ème anniversaire du pont aérien de Berlin (« Berliner Luftbrücke »). Lors de sa visite, il prononça le fameux « Ich bin ein Berliner » et assura l’Allemagne et Berlin du soutien indéfectible des Etats-Unis. Les Allemands se savent redevables de l’aide des Etats-Unis après la défaite de 1945, qui s’était notamment manifestée par le plan Marshall dont bénéficia l’Allemagne. Depuis cette époque les relations politiques et économiques entre les deux pays ont toujours été très fortes. Ainsi, depuis longtemps les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial de l’Allemagne après la France. Il en va de même pour les investissements directs. Avec l’élection de Donald Trump comme nouveau président des Etats-Unis, l’Allemagne elle aussi s’interroge sur les changements que cela pourrait induire au niveau des relations économiques et politiques entre les deux pays.

Les 7 et 8 juillet 2017 se tiendra le sommet du G20 à Hambourg. Le G20 qui regroupe les principaux pays industrialisés et émergents a été créé en 1999 en marge du G7 pour permettre aux pays du G7 de pouvoir échanger avec les économies émergentes. L’Allemagne a pris la présidence du G20 fin novembre 2016 et organisera de multiples rencontres de ministres du G20 pendant l’année 2017 dans de nombreuses villes, avec en point d’orgue le sommet des chefs d’Etat en juin à Hambourg. Aujourd’hui le G20 représente environ 2/3 de la population mondiale, 90% du PIB mondial et 80% du commerce mondial. L’Allemagne est un des pays industrialisés qui profite le plus de la mondialisation des marchés et du développement des pays émergents. Traditionnellement exportatrices, les entreprises allemandes s’installent toujours plus dans les nouvelles zones de croissance mondiale, notamment en Chine. La contrepartie est la dépendance toujours plus forte de l’économie allemande envers l’évolution des économies émergentes, à la fois par rapport à la volonté de ces dernières de rattraper leur retard industriel (en rachetant par exemple des sociétés allemandes) et en raison du ralentissement de la croissance économique de ces pays après quelques années de surchauffe. L’évolution de cette dépendance économique ainsi que le rôle politique que l’Allemagne est disposée à vouloir jouer dans le concert mondial seront intéressants à suivre en 2017 et au-delà.

En septembre 2017 auront lieu les élections législatives en Allemagne (« Bundestagswahl »). La date de ces élections à un tour ne sera connue que prochainement mais, sauf surprise, il devrait s’agir du 17 ou 24 septembre. C’est à l’issue de ces élections que sera connue l’identité du Chancelier : on saura en l’occurrence si Angela Merkel entrera dans son quatrième mandat ou si l’Allemagne aura un nouveau Chancelier, le neuvième depuis la Seconde Guerre mondiale. Le mode de scrutin pour les élections du Bundestag prévoit que la moitié des sièges soit pourvue par une élection des députés dans leur circonscription au scrutin majoritaire et l’autre moitié selon un mode proportionnel sur la base de listes établies au niveau des « Länder ». Ainsi, tout électeur dispose de deux voix. Autre particularité, seuls les partis ayant obtenu au moins 5% des voix issues du mode proportionnel peuvent être représentés au Bundestag ; cette règle a été mise en place afin d’éviter une multiplication des partis comme c’était le cas pendant la République de Weimar où jusqu’à dix-sept partis étaient représentés au Reichstag. Or, si l’on en croit les sondages actuels, ce sont six partis qui pourraient composer le nouveau Bundestag, ce qui constituerait un record depuis la Seconde Guerre mondiale. A la clé, le gouvernement de coalition issu de ces élections devrait inclure au moins trois partis (contre deux aujourd’hui : SPD et CDU/CSU). Alors que l’économie allemande est toujours performante, le taux de chômage étant toujours aussi bas et l’excédent commercial ne cessant d’augmenter, l’accueil de plus de 800.000 réfugiés en 2015, suivi de plusieurs centaines de milliers en 2016, a quelque peu rebattu les cartes sur l’échiquier politique. Ainsi, les partis traditionnels connaissent des débats internes animés sur la question des réfugiés, tandis que pour avoir axé ses campagnes électorales sur ce sujet, le nouveau parti AfD a déjà pu faire entrer de nombreux représentants dans les Parlements régionaux. A ce jour, il est difficile de prédire le résultat de l’élection dans neuf mois, mais une chose semble sûre : ce sont les sujets politiques et sociaux comme l’immigration et la sécurité, et non les questions économiques, qui arbitreront ces élections.

La France sera l’invitée d’honneur du Salon international du livre de Francfort qui se tiendra du 11 au 15 octobre 2017. Il s’agit du plus grand salon professionnel de livres et de magazines du monde. Selon Jürgen Boos, directeur du Salon du livre de Francfort, « l’avenir du paysage médiatique européen dépend de notre capacité à donner également à l’union économique une identité culturelle. Avec sa participation en tant qu’invitée d’honneur à la Foire du livre de Francfort, la France sera à même de démontrer non seulement la richesse de sa production intellectuelle, mais aussi son influence politique dans ce domaine». Ainsi, la participation de la France pour la deuxième fois depuis 1989 à cet illustre événement en tant qu’invitée d’honneur s’inscrit dans la démarche franco-allemande de concrétiser l’idée européenne également dans le domaine culturel. Du côté politique et économique, l’année 2017 étant dominée par les élections en France puis en Allemagne, il conviendra d’attendre sans doute 2018 pour voir quelles seront les nouvelles initiatives que prendra le couple franco-allemand pour donner un nouvel élan à l’Europe. Il convient d’espérer que d’ici là les extrémismes de tous bords n’auront pas détourné cette idée européenne à des fins électoralistes car l’idée de l’Europe — dont il faut sans doute redéfinir les contours et le profil — reste plus que jamais pertinente dans un monde où les puissances mondiales actuelles ou en devenir ont toutes une force (ou un potentiel) économique largement supérieure à celle de chacun des pays européens pris isolément.

Le 31 octobre 2017 commémorera le 500ème anniversaire de l’affichage par Martin Luther des 95 thèses contre l’abus des indulgences. Selon Luther, seule la repentance vaut rémission des peines; selon lui, l’indulgence détourne les pécheurs de leur véritable devoir, la charité et la pénitence. L’indulgence qui correspond à l’origine à la rémission totale ou partielle devant Dieu de la peine temporelle encourue en raison d’un péché déjà pardonné est, selon Luther, de plus en plus dévoyée ; ainsi des indulgences sont accordées en contrepartie d’ « efforts » de plus en plus particuliers, telle l’aide à la construction de la nouvelle basilique Saint-Pierre. Pour ses détracteurs, la pratique de l’indulgence est assimilée à une forme de corruption. En tout cas, l’affichage des 95 thèses à la porte de l’église de Wittenberg à la veille symbolique de la Toussaint, constitua le point de départ de la Réforme. Les conséquences n’en ont pas été uniquement religieuses — les effets sur la société, la politique et la culture ont également été importants par le développement de la responsabilité individuelle ainsi que par l’uniformisation de la langue écrite allemande avec la traduction de la Bible. Depuis 2008, les événements commémoratifs se succèdent, chaque année étant consacrée à un thème spécifique. La dernière année de la décennie de Luther (« Lutherdekade »), officiellement lancée le 31 octobre 2016 à Strasbourg, est ainsi consacrée au monde actuel : selon ses organisateurs la responsabilité réformatrice reste plus que jamais d’actualité, avec les nouveaux défis que constituent le réchauffement climatique ou la politique des réfugiés. Et si à l’époque l’impulsion décisive partit de Wittenberg, d’autres villes et régions d’Europe jouèrent un rôle important pour la Réforme. A cette occasion, le 31 octobre 2017 sera un jour férié dans tous les Länder allemands, alors que traditionnellement seuls les « Länder » (hors Berlin) de l’ancienne Allemagne de l’Est accordent à leurs habitants un jour férié le 31 octobre. Espérons qu’au-delà de ce jour férié, cette partie de l’histoire allemande et européenne reste gravée dans les mémoires et soit source d’inspiration.

Chez Mazars, on notera que l’Allemagne occupera également une place particulière pour le Groupe en 2017, puisque se tiendra du 14 au 16 décembre 2017 à Berlin la convention des associés Mazars. Environ 1.000 associés venus du monde entier se réuniront dans la capitale allemande pour passer en revue les événements forts de l’année 2017 et échanger sur la mise en oeuvre de la stratégie du Groupe Mazars pour les prochaines années telle qu’elle a été présentée aux associés en décembre 2016 lors de la convention qui s’est tenue à Madrid. Comptant désormais 18.000 professionnels dans 79 pays, Mazars confirme plus que jamais sa vocation d’accompagner ses clients dans leur développement international.

Si vous souhaitez approfondir votre connaissance de l’Allemagne et de ses défis actuels, nous vous recommandons la lecture de « Le ‘modèle’ économique allemand — Les clés d’une réussite » (Mazars, 2012) et « Un nouvel ‘Agenda » pour l’Allemagne ? Comprend les défis économiques et sociaux (2014-2030) » (IFRI, 2014).

Auteur 

Pierre Zapp