Nouveautés dans le droit allemand de l’e-commerce et de la protection des consommateurs

Au cours du premier semestre 2022, de nombreux amendements législatifs sont entrés en vigueur en Allemagne. Ceux-ci résultent principalement de l’application d’exigences européennes, en particulier dans le domaine du droit civil et du droit de la concurrence déloyale. Selon leur secteur d’activité, les filières de distribution et l’orientation de leur activité vers une clientèle allemande, les entreprises étrangères peuvent être aussi concernées par ces nouveautés. En cas d’infraction, les responsables sont passibles d’actions en dommages et intérêts et d’amendes.

Nouveautés dans l’e-commerce

C’est avec la transposition du dernier volet de la « loi sur les contrats équitables conclus avec les consommateurs » dans le code civil allemand (BGB) en août 2021 que le « bouton de résiliation » (Kündigungsbutton) est entré en vigueur au 1er juillet 2022. Lorsqu’un professionnel offre la possibilité aux consommateurs de conclure sur son site web un contrat à exécution successive (p. ex. contrats de location, d’abonnement à un club de fitness ou d’approvisionnement d’énergie), il doit désormais intégrer un bouton de résiliation – par analogie au « bouton de commande » – permettant au consommateur de procéder à la résiliation ordinaire ou extraordinaire du contrat. Si un tel bouton de résiliation manque ou n’est pas mis en œuvre correctement, le consommateur peut résilier son contrat « à tout moment et sans obligation de respecter un préavis ». Comme il est de coutume dans le droit régissant les contrats de consommation transfrontaliers, ces particularités du droit allemand s’appliquent aussi aux prestataires étrangers dont l’offre s’adresse (aussi) aux consommateurs allemands. De plus, certaines infractions transfrontalières peuvent être sanctionnées plus facilement dans toute l’UE (voir ci-dessous).

Une autre nouveauté dans le commerce électronique est la transposition dans le droit allemand de la directive dite « omnibus » ou « de modernisation des règles européennes en matière de protection des consommateurs » (UE 2019/2161), qui concerne les opérateurs de places de marché en ligne. Ceux-ci se voient imposer pour la première fois différentes obligations d’information envers le consommateur portant notamment sur le classement des offres (paramètres et pondération), si le prestataire agit en qualité de professionnel ou de consommateur et l’implication possible de l’opérateur dans l’exécution du contrat. La relation entre l’opérateur d’une plateforme en ligne et le prestataire de services est déjà définie depuis juillet 2020 par le règlement « Platform-to-Business » (UE 2019/1150).

Modifications de la réglementation relative aux pratiques commerciales loyales et à la protection des consommateurs

Les amendements législatifs actuels ne concernent pas seulement le commerce électronique, mais de manière plus générale la vente à distance et la vente directe. La directive de modernisation susmentionnée a entraîné la refonte des règles du code civil allemand relatives à l’expiration anticipée du droit de rétractation sur les services et les contenus numériques, à la prise en charge des frais de renvoi, au remboursement après la rétractation et à la liste des obligations d’information du professionnel. Les règles générales du droit de rétractation ont elles aussi fait l’objet de modifications mineures (mais néanmoins susceptibles de donner lieu à un avertissement), si bien que les distributeurs en ligne, par correspondance et directs devraient faire vérifier leurs conditions générales de vente et autres documents juridiques.

Par ailleurs, la loi contre la concurrence déloyale (UWG) a fait l’objet d’importantes évolutions du fait de la transposition de la directive de modernisation susmentionnée et de la directive sur les pratiques commerciales déloyales. Ces nouveautés complètent, respectivement remplacent les obligations civiles des professionnels dans leurs relations commerciales avec les consommateurs. Citons à cet égard les obligations d’information concernant le classement des résultats de la recherche en ligne, les évaluations des utilisateurs, les variantes de produits au sein de l’UE, la qualité du professionnel et les obligations d’identification des influenceurs.

Réforme du droit de la vente et produits numériques

Tous les fabricants et distributeurs de marchandises et de produits numériques sont concernés par la réforme du droit de vente entrée en vigueur en début d’année. Elle s’inscrit dans le contexte des directives de l’UE sur la vente de biens (UE 2019/771) et les produits numériques (UE 2019/770) qui étaient controversées depuis leur premier projet présenté en 2015.

Quelle que soit la filière de distribution, les nouvelles dispositions des § 475a et suivants et § 327 et suivants du code civil allemand (BGB) se concentrent sur le contrat conclu avec le consommateur et plus particulièrement sur les biens et produits numériques. La charge de la preuve de l’absence de défaut de la chose vendue incombe au vendeur pendant désormais un an (contre 6 mois jusqu’à présent), cette durée pouvant s’étendre jusqu’à deux ans à compter du transfert des risques ou de la mise à disposition de biens comportant des éléments numériques. Les dispositions relatives aux garanties du fabricant et du vendeur ainsi que de nombreux autres détails (concernant p. ex. le « paiement » avec des données à caractère personnel, § 312 al. 1a du code civil allemand) ont également fait l’objet de modifications. Par ailleurs, l’obligation de mise à jour et d’information incombant au vendeur de biens et produits numériques (§§ 474b al. 4, 327f du code civil allemand), très discutée en Allemagne, représente un vrai défi. Certes, cette obligation ne s’applique directement « qu’à » la vente aux consommateurs finaux. En réalité, les vendeurs ne peuvent transmettre les mises à jour dues que s’ils ont convenu des clauses contractuelles adéquates avec l’ensemble des intervenants sur la chaîne d’approvisionnement, y compris le fabricant, de manière à être en mesure de remplir cette obligation envers le consommateur.

Conséquences considérables en cas d’infractions

Si les nouvelles règles ne sont pas appliquées ou ne sont pas mises en œuvre correctement, il faut s’attendre à de sérieuses conséquences. Outre les avertissements habituels de la part de concurrents et d’associations des consommateurs ainsi que les demandes de dommages et intérêts au titre du droit civil (recouvrables le cas échéant aussi par une action en justice collective), un droit individuel du consommateur à des dommages et intérêts est désormais introduit aussi dans la loi contre de la concurrence déloyale (§ 9 al. 2 UWG).

En outre, dans le cas d’une « infraction de grande ampleur » aux intérêts des consommateurs, s’étendant à plusieurs États-membres voire à la majeure partie de l’UE (« à l’échelle de l’Union »), des amendes peuvent être infligées à hauteur d’un montant max. de 50 000,00 EUR ou 4 % du chiffre d’affaires annuel pour des entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 1,25 million d’euros. Il en va de même pour les infractions à certaines dispositions du droit civil relatives à la protection des consommateurs, comme p. ex. l’utilisation de clauses abusives dans les CGV, des informations erronées, la non-confirmation des termes du contrat ou tout simplement le retard de livraison. Dans de tels cas, des amendes peuvent être infligées par les autorités allemandes même si le droit national d’un autre État membre est applicable au contrat, à condition que celui-ci contienne une règle de droit équivalente aux dispositions allemandes.

Auteur: Dr. Sylvia Kaufhold

Cet article fait partie de notre newsletter French Desk 2/2022. Vous trouver le numéro complet ici. Vous pouvez également vous abonner à cette newsletter ici.